Le drame des trois garçons d’Aïn-Beïda
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patrouille appeles en algerie

Des fils d'Européens. Ils avaient quinze ans environ. Ils étaient partis un matin pour une promenade à bicyclette. Le soir, ils ne reviennent pas. Ni dans la nuit. Au petit matin suivant, les recherches se déclenchent. Recherches malaisées. La région est truffée de ravins et de grottes. Très exactement le cadre qu'il faut pour faire disparaître à jamais des cadavres ou dissimuler longtemps des prisonniers. On avait signalé des bandes de fellaghas rôdant dans les environs. Était-ce vrai ? Était-ce faux? C'était vraisemblable.
De fortes patrouilles sont expédiées dans tous les azimuts. L'une d'elles est composée d'une section d'infanterie. Ce ne sont ni des légionnaires ni des parachutistes, où les engagés sont nombreux. Simplement des petits gars du contingent. Les gradés compris. Le détachement arrive dans un douar isolé. Hormis les enfants et quelques vieillards, pas un homme. Ils sont aux champs, disent les femmes. Des abords du village on voit la plupart des champs, pas un seul homme. L'officier demande si on a vu des hors-la-loi. Non, personne n'en a vu. A-t-on entendu parler de trois jeunes gens circulant à vélo ? Non, personne n'en a entendu parler. La fuite des hommes est suspecte? Même pas. Ils prennent volontiers le large, sans rien avoir à se reprocher, quand une troupe approche, quelle qu'elle soit, armée française ou A.L.N., c'est plus prudent. Avec l'A.L.N. on est de corvée pour couper les poteaux télégraphiques, avec l'armée française pour les replacer; de toute façon on perd son temps.
La section fouille le douar de fond en comble. Sans découvrir quoi que ce soit d'intéressant. On va rentrer bredouilles. Une fois de plus. Tant pis ! On ne peut pas rester là. On va rentrer.

Instinctivement, machinalement, un soldat donne un coup de crosse dans un tas de fumier. Qu'est-ce qui apparaît? Un pied déjà décomposé. Les gars viennent, déblaient, découvrent les corps des trois disparus. Nus, égorgés, émasculés !
Un caporal vomit, qui n'avait jamais vu de cadavres. La fureur soulève les hommes. Les soldats du contingent ne sont plus trente civils déguisés en militaires, mais des vengeurs déchaînés. Quand la sainte colère passe sur une foule, bien fort celui qui parvient à l'arrêter, plus fort que les gradés de la section, et, dans ces cas, la colère paraît toujours sainte à celui qu'elle anime. On ne réfléchit pas. Si on avait réfléchi, on ne l'aurait pas fait. Mais quand on redevient capable de réfléchir, c'est trop tard. Lorsque la section est repartie, seuls survivaient ceux des vieillards, des enfants et des femmes qui avaient pu échapper aux balles en s'enfuyant. Tout était brisé dans les gourbis. Pas un ne restait debout. D'autres morts innocents gisaient autour des trois premiers. Les gens du douar savaient, bien sûr, mais avaient-ils été des coupables ou des témoins eux-mêmes terrorisés? Les meurtriers des jeunes cyclistes étaient-ils des insurgés de l' A.L.N., ou de crapuleux bandits, ou des sadiques? Qui peut l'affirmer? Mais ce qui est certain, c'est que tous les hommes du douar sont passés au maquis.

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